La dynamique démographique du monde rural est aujourd’hui à nouveau positive sous l’effet conjugué des contraintes liées à la vie urbaine (coût de la vie, pollution,…) et des facilités qu’offre le numérique pour travailler à distance. Cette dynamique se nourrie, entre autres, de l’arrivée de nouveaux actifs indépendants dans les secteurs en développement du web et de la communication. Mais ces actifs restent isolés et développent leurs activités à l’extérieur sans mettre à profit du territoire leur résidence. La création de lieux de travail partagés pour les fédérer, pour répondre à leurs besoins matériels et de mise en réseau serait-elle porteuse de développement ? On prend les paris !
Dans un contexte concurrentiel de plus en plus rude et compte tenu de la crise, la visibilité des entreprises quant à leurs carnets de commandes se réduit et ne permet plus toujours d'envisager sereinement l'avenir, du moins à très long terme. Afin d'être plus agile et réactifs face au caractère incertain de leur marché, beaucoup de dirigeants ont fait le choix d'un repli sur leur cœur de métier et ont externalisé des fonctions supports jusque là exercées par des salariés. C'est, pour partie, ce qui explique, avec la création du statut d'autoentrepreneur en 2009, le récent développement de ces nouveaux entrepreneurs individuels, en particulier autour des métiers du web et de la communication.
Avec la révolution industrielle, les moteurs de développement s'étaient déplacés de la campagne (agriculture) vers la ville (industrie). Avec la révolution numérique, on assiste à une nouvelle mue des moteurs de développement et de nouveaux équilibres qui laissent la part belle aux productions intellectuelles et numériques. La dynamique s’est par conséquent inversée et les indépendants reviennent à la campagne (pour preuve ce qui se passe dans l’Orne, le Gers, l’Ariège ou le Cantal,…). En effet, considérant que l'un des seuls éléments qui conditionne la faisabilité de leurs activités est l'accès à une connexion à internet en Haut Débit et que cela est aujourd'hui possible à peu près partout, y compris dans les territoires les plus reculés, bon nombre de ces indépendants quittent la ville pour en fuir les contraintes, souvent pour accéder à une qualité de vie meilleure ou simplement pour devenir propriétaire de leur logement.
Mais la vie à la campagne n'est pas si facile, d'autant que ces solos travaillent bien souvent chez eux et s'exposent ainsi à de multiples risques : la solitude, une trop grande perméabilité entre sphères familiale et professionnelle, le manque d'équipements, l'absence de lieu pour recevoir les clients, le manque de feedback sur les livrables, un besoin de socialisation, un besoin d'échanges, ..... Ce sont souvent les principales difficultés exprimées par la grande majorité des indépendants que nous rencontrons au sein des territoires ruraux que nous avons accompagnés ces dernières années.
En outre, par habitude et parce qu'ils n'ont pas eu le temps de tisser leurs réseaux localement, ces indépendants travaillent peu avec les entreprises et les collectivités du territoire. Ces derniers n’ont souvent pas connaissance de cette offre locale et font, par conséquent, appel à des prestataires extérieurs. Nous pensons qu'il existe ici un levier de développement économique endogène fort. En effet, si ces indépendants parviennent à se fédérer au sein d'une communauté et à se faire connaitre des donneurs d'ordre du territoire, les bénéfices des affaires conclues reviendront aux acteurs du territoire et en assureront le développement.
Sur le papier, la création d'un lieu de travail partagé doit permettre de répondre à la fois aux contraintes rencontrées par les indépendants (rupture de l'isolement, besoin de contact et de mise en réseau, mutualisation d'équipements et de services) et à l'objectif de développement économique endogène décrit précédemment.
Grâce au volontarisme de Laurent Petit, Président de la Communauté de Communes Haut-Jura Arcade et de son équipe, nous sommes en train de passer de la théorie à la pratique !
La Communauté de Commune Haut-Jura Arcade rassemble 6 communes et 10.300 habitants. Ce territoire de moyenne montagne connait un contexte économique préoccupant avec la disparition de nombreux emplois industriels. Afin de stimuler le développement de nouvelles activités tertiaires, la Communauté de Communes, en partenariat avec le Pays du Haut-Jura, avait confié courant 2013 à Ocalia une mission d’étude visant à évaluer l’opportunité de créer des lieux de travail partagé à destination des salariés souhaitant télétravailler et des indépendants des filières du numérique ou de la communication. Cette étude a permis de repérer l’existence d’un besoin autour de la commune de Morez et se concrétise aujourd'hui avec l’ouverture d’un espace de coworking d’environ 80 m2 où pourra s'installer une douzaine de coworkers.
La Cordée / Morez |
C’est la Cordée, opérateur lyonnais connu et reconnu, qui assure le fonctionnement du lieu, ouvert depuis quelques jours dans un modèle partenarial public-privé original, pluriannuel et adapté aux objectifs du territoire (développement de la dynamique entrepreneuriale, passage d’une économie productive à une économie de proximité) et aux attentes de rentabilité de ce porteur privé.
L’espace, ouvert depuis quelques jours, sera inauguré en mai 2014. Les mois qui viennent permettront de valider ou d'infirmer nos hypothèses quant à la pertinence du coworking à la campagne et au modèle public-privé promu.
To be continued...
Cérice Greze
www.ocalia.fr